Covid-19 et sort du contrat de travail

Covid-19 et sort du contrat de travail

Covid-19 et sort du contrat de travail

Face à la situation exceptionnelle de la pandémie de Covid-19, les entreprises marocaines se trouvent confrontées à une multitude de questions notamment le traitement à réserver aux salariés pour les activités qui font l’objet d’une décision administrative de fermeture sans précision de délai.

Autant de questions qui jaillissent et auxquelles des réponses s’imposent afin de maîtriser au mieux le risque juridique y afférent.

Qu’est-ce que la suspension du contrat (i) ? Quand est-ce que le contrat de travail peut être suspendu (ii) ? Quels sont les effets de la suspension du contrat de travail (iii) ?

(i) La notion de la suspension du contrat

La jurisprudence a consacré le principe selon lequel, dans les contrats synallagmatiques, les obligations des cocontractants doivent être exécutées simultanément.

Il en résulte que chacune des deux parties n’est en droit d’exiger la prestation qui lui est due qu’autant qu’elle offre d’exécuter la prestation ou l’obligation qui est à sa charge.

Chacune des parties peut refuser l’exécution de l’obligation qui lui incombe tant que son partenaire n’offre pas, lui-même, d’exécuter la sienne. Ce refus se manifeste par une exception, l’exception du contrat non accompli ou bien l’exception d’inexécution qu’on retrouve en droit romain selon la formule : EXCEPTIO NON ADIMPLETI CONTRACTUS.

La suspension du contrat n’est en fait qu’une adaptation juste et équitable de cette notion de l’exception d’inexécution, ou encore une adaptation de la notion de résolution du contrat.

La suspension du contrat décrit le cas où une entrave temporaire intervient, empêchant ainsi son exécution. Vu la spécificité du contrat de travail et dans un souci de protéger le salarié, l’on a opté pour ce mécanisme de suspension du contrat au lieu de sa résolution définitive dans les cas où des empêchements temporaires viendraient à en entraver l’exécution.

La suspension découle soit d’une exécution fortuite ou fautive. En ce qui concerne la suspension du contrat de travail, elle s’insère dans les cas de suspension pour cause d’inexécution fortuite.

Ainsi, ce mécanisme de la suspension du contrat de travail a une importance vitale. Le législateur a expressément prévu que, dans certaines situations, le contrat ne sera pas résilié mais simplement suspendu, de telle sorte par exemple que le salarié puisse retrouver son emploi et même son ancienneté.

(ii) Les cas de suspension du contrat de travail

L’article 32 du Code du Travail Marocain délimite expressément les cas qui impliquent la suspension du contrat de travail. Il dispose ainsi que le contrat de travail est suspendu pendant :

  • l’absence du salarié pour maladie ou accident dûment constaté par un médecin
  • la période qui précède et suit l’accouchement dans les conditions prévues par les articles 154 et 156
  • la période d’incapacité temporaire du salarié résultant d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle
  • les périodes d’absence du salarié prévues par les articles 274, 275 et 277
  • la durée de la grève
  • la fermeture provisoire de l’entreprise intervenue légalement

Donc, la fermeture provisoire de l’entreprise intervenue légalement est une cause de suspension du contrat de travail.

Il convient de signaler que la notion de fermeture légale de l’entreprise doit être appréhendée à la lumière des dispositions des articles 54, 239 et 352 du Code de Travail Marocain selon lesquels la fermeture temporaire de l’entreprise intervient par décision administrative ou pour cas de force majeure (Article 54), par décision judiciaire ou administrative ou pour cas de force majeure (Articles 239 et 352).

(iii) Les effets de la suspension du contrat de travail

L’article 54 du Code de Travail Marocain énonce que sont considérées comme périodes de travail effectif, entre autres, les périodes où l’exécution du contrat de travail est suspendue, notamment pour cause de fermeture temporaire de l’entreprise par décision administrative ou pour cas de force majeure.

Citons aussi l’article 239 du même code qui dispose (i) que le calcul de la durée du congé annuel payé, prend en considération les périodes de travail effectif et (ii) que les périodes pendant lesquelles le contrat de travail est suspendu pour cause de fermeture temporaire de l’établissement par décision judiciaire ou administrative ou pour cas de force majeure, ne sauraient être déduites du congé annuel payé.

L’article 352 quant à lui précise que sont considérées comme périodes de travail effectif et ne peuvent être déduites de la durée des services entrant en ligne de compte pour l’attribution de la prime d’ancienneté, notamment, les périodes de suspension du contrat de travail prévues à l’article 32 et la fermeture temporaire de l’entreprise en raison d’un cas de force majeure, d’une décision judiciaire ou d’une décision administrative.

Par le biais des articles 54, 239 et 352 susvisés le législateur est intervenu pour préciser qu’alors même que le contrat est suspendu lors cette fermeture légale de l’entreprise, celui–ci produit exceptionnellement certains effets juridiques. C’est ainsi que cette période de fermeture légale n’influera ni l’ancienneté, ni la prime d’ancienneté ni la durée des congés.

Par ailleurs, il ressort de la lecture combinée des articles 300 et 301 du Code de Travail Marocain qu’en cas de fermeture temporaire de l’établissement en exécution d’une condamnation judiciaire suite à la violation, par l’employeur, des prescriptions relatives à la sécurité et à l’hygiène, celui-ci est tenu de continuer à verser aux salariés les salaires, les indemnités et les avantages qui leur sont dus et qu’ils touchaient avant la date de la fermeture.

Aussi, aux termes des articles 543 et 544 du Code de Travail Marocain, l’employeur est tenu de verser aux salariés qui ont cessé de travailler, en raison de la fermeture de l’établissement sur ordonnance en référé pour violation des dispositions relatives à l’hygiène et à la sécurité, une rémunération pour la période de suspension du travail ou pour la période de fermeture de tout ou partie de l’établissement.

On en déduit, à contrario, que la fermeture temporaire de l’entreprise, intervenue légalement, pour une cause autre que les décisions judiciaires visées aux articles 300 et 543 du Code de Travail Marocain, suspend l’obligation de l’employeur à verser les salaires.

Eu égard à ce qui précède, l’on peut conclure que la fermeture provisoire de l’entreprise, intervenue légalement, suite à une décision administrative ou à un cas de force majeure :

Aussi, aux termes des articles 543 et 544 du Code de Travail Marocain, l’employeur est tenu de verser aux salariés qui ont cessé de travailler, en raison de la fermeture de l’établissement sur ordonnance en référé pour violation des dispositions relatives à l’hygiène et à la sécurité, une rémunération pour la période de suspension du travail ou pour la période de fermeture de tout ou partie de l’établissement.

On en déduit, à contrario, que la fermeture temporaire de l’entreprise, intervenue légalement, pour une cause autre que les décisions judiciaires visées aux articles 300 et 543 du Code de Travail Marocain, suspend l’obligation de l’employeur à verser les salaires.

Eu égard à ce qui précède, l’on peut conclure que la fermeture provisoire de l’entreprise, intervenue légalement, suite à une décision administrative ou à un cas de force majeure :

  • implique la suspension du contrat de travail
  • affranchit le salarié de l’obligation de travailler et l’employeur de l’engagement de verser les salaires
  • n’a aucune incidence sur le calcul des périodes de travail effectif (Article 54), de la durée du congé annuel payé (Article 239) ni celui de la prime d’ancienneté (Article 352).

Ceci étant, la décision administrative qui a ordonné la fermeture, à compter du lundi 16 mars 2020 jusqu’à nouvel ordre, des cafés, restaurants, salle de cinéma, théâtres, salles des fêtes, bains maures, salles de sport et terrains de proximité ouverts au public, est une décision administrative impliquant la fermeture provisoire de l’entreprise intervenue légalement. Par voie de conséquence, cette décision a un effet suspensif des contrats de travail et de l’obligation des employeurs à verser les salaires.

Toutefois, la réponse juridique ne peut empêcher les entreprises de faire preuve de solidarité et de responsabilité sociale et ce, en mettant en œuvre des solutions alternatives, conciliant ainsi entre les intérêts des salariés et ceux des employeurs, atténuant ainsi l’impact des décisions. Ainsi, les entreprises peuvent commencer, dans un premier temps, par convenir avec leurs salariés de purger les périodes de congés en suspend ou encore de travailler selon un système rotatif quand cela est envisageable.

En France, l’Etat est intervenu pour offrir des mesures d’accompagnement aux entreprises impactées par pandémie de Covid-19. Nous faisons confiance à nos institutions nationales et demeurons ainsi dans l’attente de leur contribution afin d’atténuer l’impact des circonstances liées à la pandémie de Covid-19 aussi bien au niveau social qu’économique.

Rédigé par Kawtar JALAL
Avocate au Barreau de Casablanca
Cabinet d’Avocats Agouram & Jalal

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